DISCOURS
ADRESSÉ AU ROI DE SUÈDE,
Par M. l’Abbé DE RADONVILLIERS,
Chancelier de l’Académie Françoise, lorsque ce Prince y vint prendre séance le Jeudi 7 Mars 1771
SIRE,
L’HONNEUR que Votre Majesté fait en ce jour à l’Académie n’est pas-nouveau pour elle, mais il n’en est que plus flatteur. Déja elle avoit eu la gloire de voir dans ses assemblées, au siède même où nous vivons, deux Souverains étrangers ; & le Roi son protecteur a bien voulu y venir occuper la place qui lui appartient. Les compagnies savantes attirent donc les regards des Rois, & font comptées parmi les objets dignes de- leur curiosité. Pour remplir les vues de VOTRE MAJESTÉ, l’Académie doit lui rendre compte du but qu’elle se propose & des travaux qui l’occupent.
Son but est de perfectionner notre Langue ; mais comme il y a une liaison naturelle entre la manière de parler & la manière de penser, l’Académie espéroit, en épurant le langage, épurer le goût, & l’événement a justifié ses espérances.
Elle s’occupe à célébrer les talents, les succès, & même les efforts de ceux qui cultivent les Lettres ; mais son intention n’est pas de se borner à de vains éloges. Elle veut, en excitant une noble émulation, donner aux hommes illustres des successeurs & des rivaux.
Une partie de ses discours est consacrée à la gloire du Roi ; c’est un tribut de devoir, d’inclination, & de reconnaissance. Mais, il en faut convenir, l’affection naïve du peuple a été plus éloquente que l’art de nos Orateurs. Elle a tout dit dans un seul mot, en donnant au Roi le surnom de Bien-Aimé.
L’un de nos Confrères est chargé d’écrire histoire de son règne, & le séjour que VOTRE MAJESTÉ a fait en France lui fournira un trait des plus intéressants. Après avoir raconté ce que publiait d’avance la renommée, & ce qu’il a fallu ajouter à ses récits, quand on a eu le bonheur de vous approcher, il en viendra au funeste événement qui interrompt le cours de vos voyages. Là il attendrira ses lecteurs en décrivant votre entrevue avec le Roi ; & cette aimable confiance, si rare entre les Princes, avec laquelle vous avez pleuré dans ses bras ; & cette douce sensibilité, peut être encore plus rare, avec laquelle le Roi a essuyé vos pleurs & les a partagés.
Heureuses les Nations auxquelles le Ciel accorde des Princes d’un caractère humain & sensible ! Dans les Rois, l’humanité est la première des vertus. Il en est d’autres qui fervent à leur gloire, celle-là sert à notre bonheur.
SIRE, je m’arrête là. Eh ! que pourrais-je dire encore qui fût plus agréable à VOTRE MAJESTÉ ? Le présage de la félicité publique, est le compliment le plus doux à l’oreille des bons Rois.
Claude-François LYSARDE de RADONVILLIERS
(extrait du site de l'Académie française)
Le roi de Suède était
Gustave III, né en 1746, couronné le 12
février 1771, quelques semaines avant cette réception.
Francophile, adepte de la philosophie des lumière, il
abolit la torture et il fonde en 1786 l’Académie suédoise, dont il rédige en
partie le règlement avec des missions calquées sur celles de l’Académie
française.
Il est assassiné le 16
mars 1792, au cours d’un bal masqué à l’opéra royal de Stockholm.
En 1833, le compositeur
français Auber compose un opéra en hommage à ce roi de Suède « Gustave
III, ou le bal masqué ».
En 1859, Verdi compose
sur la même intrigue « Un ballo in maschera ( Un bal masqué) «
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