Le pauvre Lejeune qui fait les frais de l’avant-propos de l’article du journal de l’Aube publié le 9 otobre 1836, annonçant l’inauguration d’une salle de danse, le Tivoli d’hiver, à l’angle des rues du Bois et du Coq (actuellement rues d Général de Gaulle et du peintre Paillot de Montabert, ) s’appelle Gustave-Yve Lejeune, âgé de 26 ans, né à Saint-Denis les Monts, département de l’Eure.
Ancien séminariste, il se revendique membre de l’Eglise catholique française, des prêtres dissidents de l’Eglise française, Châtel et Auzou.
Il a été condamné à la prison par le Tribunal correctionnel de Troyes après une audience le 9 décembre 1835 relatée par le même journal le lendemain..
« « Lejeune a été arrêté dans le mois de septembre dernier à Troyes, après y avoir ouvert une église française.
Lejeune est d’une taille médiocre ; il est vêtu d’une redingote noire ; sa figure est colorée d’une vive rougeur ; ses traits non rien de distingué. Ses regards sont incertains, et il y a dans tout son extérieur quelque chose de vulgaire…
Le Président du tribunal lit une lettre du procureur du Roi d’Evreux : « Lejeune admis au séminaire d’Evreux en 1830, a montré très peu d’aptitude, ses supérieurs pensèrent qu’il avait peu de cervelle, un jugement faux, l’esprit de travers, et qu’il ne ferait jamais qu’un mauvais prêtre. «
Après audition des témoins et des plaignants, la plaidoirie de Me Cénégal est suivie de nombreux applaudissements.
Le tribunal acquitte Lejeune sur les plaintes relatives à l’abus de confiance au préjudice d’Hérouars et d’escroquerie envers Manotte, Evrard, Rigny, Braquehan et Yesman ; le déclare coupable d’escroquerie envers la veuve Durand, Riché, Delforges et la demoiselle Moulin, et le condamne en treize mois d’emprisonnement et 50 fr. d’amende.
L’auditoire s’écrie : Il ne l’a pas mérité… »
Le rédacteur désapprouve cette manifestation mais concède que les hommes sensés qui assistaient à l’audience s’accordaient à considérer Lejeune, non comme un voleur mais comme un misérable et ont été affligés de la sévérité d’une condamnation qui ne leur semblait pas suffisamment motivée.
Lejeune fit appel devant la Cour royale de Paris, audience du 8 janvier 1836, présidée par M. de Glos
On apprend que le père de Lejeune, menuisier, s’imposa ‘énormes sacrifices pour l’éducation de son fils…
La Cour rend l’arrêt suivant :
« « Considérant que Gustave-Yves Lejeune, après avoir été attaché à la prétendue église du sieur Auzou, dont il avait reçu un simulacre e prêtrise, était en septembre 1835, dénué de toute espèce de ressources ;
« Qu’en effet, lors de son départ de Paris, où il avait contracté des dettes assez nombreuses, il n’avait en sa possession qu’une somme de 17 fr., qui a été dépensée en frais de voyage ; qu’il ne connaissait personne à Troyes qui pût venir à son secours, et qu’il ne se proposait de se procurer des moyens d’existence par aucun travail honnête ;
« Considérant que, dans ce passeport délivré à Paris, Lejeune a pris la qualité d’ecclésiastique ; qu’à Troyes il s’est présenté à diverses personnes, tour à tour comme prêtre de l’église romaine, ou comme prêtre de la prétendue communion du sieur Châtel , se disant fondateur de la prétendue religion catholique française, et qu’en outre il s’est dit autorisé et reconnu par l’évêque de Troyes et par le gouvernement ;…
Lejeune a fait confectionner des travaux, et s’est fait faire des fournitures qu’il savait être dans l’impossibilité de payer ;
« Considérant que Lejeune en ouvrant une prétendue église catholique française sous le patronage du sieur Châtel, n’a eu en vue que de spéculer sur la crédulité, pour persuader un pouvoir ou un crédit imaginaire, des manœuvres frauduleuses qui ont eu pour but et pour résultat d’escroquer en partie de la fortune de la veuve Durand, de la demoiselle Moulin, et des sieurs Richer et Desforges,
« Condamne Lejeune à treize mois de prison. »
Publié dans : « Le Droit », 9 janvier 1836
NB : Pour avoir des renseignements sur l’église catholique française du sieur Châtel, voir la note de Michel Cordillot sur le site du Maitron :
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