Propagateur de l’Aube
et de la Champagne
Décomposition des
partis
« La décomposition des partis ne s’arrête pas ;
nous l’avons annoncé des premiers, le ministère le reconnait. Les événements la
rendent tous les jours plus évidente. Cette dissolution ne date pas d’hier ;
elle ne s’achèvera ni aujourd’hui ni demain. Le temps qui forme les partis,
peut seul les détruire et les transformer.
La destruction qui s’opère maintenant, dans un calme
apparent, mais avec un malaise réel, agit sur des partis qui sont
eux-mêmes les débris d’une première
décomposition. La majorité nationale, l’immense majorité qui a triomphé en
juillet 1830, représentait la coalition des intérêts avec les principes
nouveaux. Les intérêts se séparèrent violemment au 13 mars, et organisèrent une
majorité dans la majorité ; les principes et les sentiments, après d’honorables
efforts, durent céder le terrain dans cette guerre de paroles et de lois où la
victoire appartient aux gros bataillons…
Chacun revint à ses affinités naturelles, les partis se
fractionnèrent, et les individualités réduites à elles-mêmes perdirent leur
force ainsi que leur relief. Une partie de l’opposition se prononça plus
ouvertement pour les théories extrêmes ; une autre partie, et la plus
nombreuse, moins préoccupée de la forme que du fond, poursuivit ses plans de réforme en se
renfermant dans les limites de la monarchie…
La séparation était encore beaucoup plus dans la nécessité
des situations que dans les volontés des personnes. On hésitait à la confesser ;
on s’efforçait de sauver les apparences ; on disait encore l’opposition
quand il existait par le fait plusieurs oppositions ; on n’osait pas avoir
une opinion à soi, indépendante des amitiés et des souvenirs…
Il ne restera pas grand-chose, aux prochaines élections, de
cette vigoureuse impulsion donnée à la machine sociale par le pressentiment des
journées de juillet. Les résultats accomplis demeurent avec un alliage adultère
de mesures contre la liberté ; mais les opinons se renouvellent pour obéir
à la loi providentielle du progrès.
Quand nous avançons que les anciens partis se décomposent et
s’éteignent, nous n’imaginons point, comme on veut bien le dire, une
réconciliation universelle. Sans doute, il y aura toujours des partis, tant que
les opinions différeront ; et le moyen de ramener toutes les opinions à l’unité.
Toute décomposition des partis appelle une recomposition. C’est
un travail déjà commencé, une tendance qu’aucune clameur ne détournera de son
chemin. Le parti qui aura l’avantage aux
élections prochaines sera celui qui aura perdu le moins de temps à se
reconstituer…qui sait parfaitement que si les principes sont absolus, ils ne s’appliquent
jamais à la société dans toute leur rigueur, qui sait que cette application
doit être progressive et telle que la comporte l’état social… Instruit par le
malheur il ne sépare pas les principes
des intérêts, est gouvernemental, cela suffit pour empêcher beaucoup de mal, et
même, pour faire aussi un peu de bien. »