Puits de Sainte Jule St Martin ès Vigne
architecte Arsène Flechey 1802-1883
Par Emeline Pipelier | Le 15 septembre 2023 | Personnages troyens
La médiathèque conserve, sous la cote Ms 3905, les lettres adressées à Jules Cottet par son père, Napoléon Ambroise Cottet. Arrivées au sein des collections en 1995, cette correspondance a été donnée à l’établissement par l’un de ses descendants, Lloyd W. Gundy, originaire du Colorado. Comment ces documents sont-ils arrivés aux Etats-Unis ? Pour le comprendre, il faut se pencher sur l’histoire de la famille Cottet…
Ambroise Cottet, né dans une famille de tisserands, se passionne très jeune pour les sciences, en particulier les mathématiques et la physique. Autodidacte, il réussit à entrer comme professeur de sciences à l’Ecole Normale d’Arcis-sur-Aube, puis y devient vérificateur des poids et mesures. Il mène en parallèle une carrière politique. Sensible aux idées révolutionnaires, il se présente comme « le candidat des ouvriers et des instituteurs ». C’est lors du coup d’Etat du 2 décembre 1851, propulsant Louis-Napoléon Bonaparte (Napoléon III) à la place de président de la république puis d’empereur, que sa vie bascule. Réfractaire au pouvoir, il refuse de prêter le serment demandé aux fonctionnaires et est démis de ses fonctions. Il est déporté, l’année suivante, en Algérie, avec son fils Jules. Ce dernier parvient finalement à s’échapper et, après avoir traversé l’Espagne, réussit à rejoindre la Nouvelle-Orléans. Ambroise, lui, obtient la permission de revenir à Troyes, où il réussit à trouver du travail auprès d’Emmanuel Buxtorf.
La première lettre conservée à la médiathèque date du 8 mai 1855 et entame une longue correspondance qui va durer une vingtaine d’années entre le père et le fils. Le rythme des lettres (une à deux par an) est dû à la distance, mais également à la censure : en effet, le courrier d’Ambroise Cottet est surveillé et certaines lettres ne trouvent jamais leur destinataire…
Une grande partie de la correspondance d’Ambroise Cottet est destinée à donner à Jules des nouvelles de la famille : ses soeurs Anna, institutrice vivant à Paris, et Félicie, qui se destine au couvent, ainsi que ses frères Pierre et Charles. Le chien, Médor, n’est pas oublié :
Médor, qui ouvre toujours les oreilles quand on prononce ton nom, est maintenant élevé au rang de citoyen, il y a huit jours que j’ai payé sa cote personnelle, et l’année dernière il a eu l’honneur d’avoir un procès pour n’être pas muselé : il faut que tout le monde le soit.
Lettre du 18 juin 1856
« Médor paie maintenant une cote personnelle de 8 francs par an, c’est-à-dire un tiers plus que moi. Ainsi pour cela lui fait-on grâce de la muselière. Il n’y a plus ici que les hommes qui soient muselés. Et cela s’appelle encore la France ! ».
Lettre du 24 juillet 1857
La situation personnelle d’Ambroise Cottet est complexe : sa femme, Honorine Morel, a quitté le ménage en laissant à son mari et à Jules, leur fils aîné, le soin d’élever Charles, leur plus jeune fils. Séparés, les ex-époux sont encore mariés, ce qui occasionne une série de récits cocasses de la succession de « maman Morel », la grand-mère maternelle de Jules. Ambroise, de son côté, vit en concubinage avec Pélagie, une maraîchère.
Mais c’est surtout la situation politique qui préoccupe le plus Ambroise dans ses lettres. En 1858, suite à l’attentat d’Orsini contre Napoléon III, est proclamée une « loi de sûreté générale » qui exige la déportation de tous les opposants politiques. Cette opération, menée par le général Espinasse, est une démonstration de pouvoir : « nous savons parfaitement que ces hommes n’ont rien fait, mais nous avions besoin d’intimidation », aurait dit le général à Désiré Argence, notable troyen venu intercéder en faveur d’un prisonnier. Arrêté chez Buxtorf le 24 février, Cottet est tenu au secret 31 jours, pendant lesquels on cherche à le faire avouer qu’il appartient à une société secrète. Il est ensuite déporté en Algérie, d’abord à Bougie (Béjaïa), puis à Alger. Détenu au départ dans des conditions difficiles (on lui donne « 98 centimes par jour, et le pain »), il réussit à trouver un emploi de comptable, tandis que Pélagie, qui a pu le rejoindre, tient un bureau de tabac. A Alger, Cottet trouve un emploi chez un ingénieur urbaniste, pour qui il travaille, avec « des proscrits de toutes les nations », à la réalisation de voies carrossables.
De retour à Troyes fin 1859, Cottet est témoin de la transformation de la ville :
Nous avons un Maire, M. Argence, qui mène la ville comme son maître mène la France. Pouvoir absolu partout, dépenses effrayantes, paiera qui pourra. On reconstruit un théâtre, un collège très vaste sur l’emplacement de l’ancien embarcadère ; des jardins sur l’emplacement de tous les fossés comblés ; il est sérieusement question de démolir la Halle au Blé et de la reconstruire ailleurs ; on veut aussi construire un vaste cirque permanent, etc., etc. Le Conseil municipal crie au diable, on le laisse crier et on marche : le Maire dit : je suis nommé par l’Empereur, je ferai ce que je voudrais, et il le fait. C’est l’ancien républicain Argence !
Lettre du 6 mai 1860
Très critique vis-à-vis du pouvoir en place, il n’hésite pas à qualifier Napoléon III de « nouveau Dieu », de « nouveau Jupiter » et d' »auguste vessie ». Ses lettres laissent une grande part à l’actualité politique de France et d’Europe, dont il considère cependant qu’elle n’intéresse plus la jeune génération :
Personne ne parle plus politique, les jeunes gens surtout ne s’en occupent pas plus que si nous n’avions jamais eu la moindre révolution. Quand on leur parle de 48 ils ne savent pas plus ce que c’est que si trois siècles s’étaient passés depuis les événements. Tous les yeux sont maintenant fixés sur Garibaldi. Son portrait figure partout à côté de ceux de Napoléon III et de Victor Emmanuel, auxquels portraits il fait tort. Car Garibaldi a une tête admirable, que fait ressortir encore la tête de fouine de l’un et la tête de bouledogue de l’autre.
Lettre du 30 août 1860
Mais c’est l’actualité américaine qui est la plus présente dans les échanges entre le père et le fils. Très enthousiaste à l’idée de l’élection du « tonnelier Lincoln, le candidat non démocrate », il commente abondamment l’idée d’une abolition de l’esclavage :
Et voilà des hommes qu’on veut considérer comme des brutes et que les partisans de l’esclavage ne craignent pas de désigner comme des bêtes féroces. Oui, ils deviennent féroces quand la chaîne est trop lourde, quand ils sont trop las de souffrir. A-t-on le droit de s’en plaindre ?
Lettre du 20 novembre 1860
La Guerre de Sécession, qui passionne Cottet, impacte directement l’économie troyenne. En effet, la guerre a interrompu le travail dans les champs de coton du Sud des Etats-Unis, dont l’industrie bonnetière est dépendante. Beaucoup de Troyens sont d’ailleurs opposés à l’abolition de l’esclavage, par crainte d’une pénurie générale de coton.
Terminons l’exploration de ce témoignage par une recommandation littéraire d’Ambroise à son fils :
Il vient de paraître un ouvrage de dix volumes de Victor Hugo, Les Misérables. Cet ouvrage que tout le monde dévore est chez nous un véritable événement qui aura une immense portée. […] Il y a tout une révolution sociale dans ce livre et nous sommes tous étonnés qu’on ne s’oppose pas à sa publication. Si tu peux te le procurer, n’importe à quel prix, lis-le, tu ne regretteras pas ta dépense.
Lettre du 20 avril 1862
Pour en savoir plus :
publication septembre 2023 sur le site 11km de patrimoine
Entré à la Comédie-Française en 1866 ; sociétaire en 1888 ; retraité en 1901.
Il entre à la Comédie-Française à sa sortie du Conservatoire (classe de Regnier) en 1866, et y restera 35 ans. Il est admis au sociétariat au bout de 22 ans de carrière. « Second amoureux », il joue les Eraste, Damis et Horace de Molière, double Delaunay, dont la popularité le laisse dans l'ombre et ne lui permet pas de paraître au premier plan. A la retraite de « l'éternel jeune premier », il hérite néanmoins de quelques rôles modernes intéressants. Il joue avec succès le joli rôle de Masham dans "Le Verre d'eau" de Scribe, et reste un excellent Hippolyte ("Phèdre"). Son élégance naturelle le place dans la lignée des Fleury et des Molé. En 1893, il organise avec l'administrateur Jules Claretie deux tournées de la Comédie-Française en province, chargées de représenter l'une Molière et l'autre Corneille. Il se retire en 1901, après une soirée d'adieux réussie.
Jules Théophile Boucher est né le 15 septembre 1847 à Troyes, de père inconnu, sa mère Geneviève Boucher Geneviève Victorine Boucher demeurait rue Jaillard. Elle le reconnait officiellement à Paris le 25 mars 1872.
Entré à la Comédie-Française en 1866 ; sociétaire en 1888 ; retraité en 1901.
Il entre à la Comédie-Française à sa sortie du Conservatoire (classe de Regnier), en 1866, et y restera 35 ans. Il est admis au sociétariat au bout de 22 ans de carrière.
« Second amoureux », il joue les Eraste, Damis et Horace de Molière, double Delaunay,
dont la popularité le laisse dans l'ombre et ne lui permet pas de
paraître au premier plan. À la retraite de « l'éternel jeune premier »,
il hérite néanmoins de quelques rôles modernes intéressants. Il joue
avec succès le joli rôle de Masham dans le Verre d'eau de Scribe et reste un excellent Hippolyte (Phèdre). Son élégance naturelle le place dans la lignée des Fleury et des Molé.
En 1893, il organise avec l'administrateur Jules Claretie deux tournées
de la Comédie-Française en province, chargées de représenter l'une
Molière et l'autre Corneille. Il se retire en 1901, après une soirée
d'adieux réussie. (site de la Comédie Française).
Il décède à Paris en 1924
photo Nadar Jules Boucher dans "Le roi s'amuse".
Dans le cadre de notre déambulation à Bordeaux à l’époque du clown Chocolat ce samedi 21 septembre voici la rencontre avec un artiste des Antilles apprécié en son époque à Bordeaux. De nombreuses autres surprises vous attendent au cours de cette déambulation.
En 1886, un critique anonyme du magazine l’Artiste de Bordeaux écrivait “qu’il n’y a pas un seul habitant à Bordeaux qui ne connaisse Edmond Dédé et ne l’ait écouté et applaudi. Plusieurs générations ont fredonné ses refrains les plus gais » ! Mais qui était Dédé ?
Fils de créoles libres originaires de Saint-Domingue, Edmond Dédé naît à la Nouvelle-Orléans le 20 novembre 1827. Son père qui dirige la société de fanfare locale est son premier professeur de clarinette mais bientôt il se distingue au violon dont il joue avec brio. Un de ses maîtres est Constantin Debergue, violoniste noir, directeur de la Société Philharmonique fondée par des créoles libres avant la Guerre de Sécession. Il bénéficie des conseils de l’Italien Ludovico Gabici qui dirige alors l’orchestre du Théâtre Saint-Charles. Eugène Prévost, un Français, grand prix de Rome en 1821 qui dirige les orchestres du Théâtre d’Orléans et de l’Opéra Français de la Nouvelle-Orléans lui donne des cours de contrepoint et d’harmonie. Il est aidé également par Charles Richard Lambert, musicien noir né à New York, chef d’orchestre de la Société Philharmonique. Cette institutions phare est le premier orchestre de la Nouvelle-Orléans comptant une centaine d’instrumentistes dont des musiciens blancs. La mélodie de Dédé, Mon pauvre cœur, parue en 1852 est la plus ancienne partition existante d’un compositeur créole de la Nouvelle-Orléans. Pour arrondir ses fins de mois, Dédé fabrique des cigares, activité courante pour la plupart des musiciens noirs Louisianais de l’époque.
En 1857, il a réuni la somme nécessaire à un voyage en Europe où il arrive à Paris, muni de recommandations auprès des professeurs du Conservatoire de Paris dont Charles Gounod, dont il devient un proche.
C’est au début des années 1860 qu’il s’installe à Bordeaux où il dirige d’abord l’orchestre du Grand Théâtre. A cette époque, les relations entre Bordeaux et la Nouvelle-Orléans sont très actives et plusieurs créoles de Louisiane, musiciens et écrivains s’installent à Paris comme à Bordeaux durant cette décennies pour échapper à la guerre civile américaine et à la montée du racisme envers les hommes libres de couleur. Il épouse une bordelaise Sylvie Leflat dont il a un fil, Eugène qui poursuivra aussi une carrière musicale.
Après quelques voyages à Alger, Paris et Marseille, il passe le plus
clair de son temps à Bordeaux où il dirige ensuite l’orchestre du
Théâtre de l’Alcazar et des Folies bordelaises sur la rive droite.
A
cette époque où la musique légère du café-concert est en vogue auprès
du grand public, il compose quelques 150 danses, 95 chansons *, des
ballets et des opérettes, production variée qui tranche avec les œuvres
des compositeurs noirs de la Nouvelle-Orléans qui écrivent
essentiellement des airs de danse pour piano et des chansons.
Edmond Dédé retournera une seule fois aux Etats-Unis en 1893. Lors de la traversée, le bateau subit de sérieuses avaries et il perd son violon de Crémone. Accueilli à la Nouvelle-Orléans, il donne de nombreux récitals avec le pianiste W.J Nickerson, professeur de Jerry Roll (créole connu pour être le père du jazz). Il écrit deux nouvelles chansons dont « Patriotisme » , son adieu à la Nouvelle-Orléans qu’il ne reconnait plus en raison de la dégradation des relations entre les communautés et de la montée des problèmes dus à la ségrégation raciale. Il accepte de devenir membre honoraire de la Société des Jeunes Amis, association sociale essentiellement composée de créoles de couleur libres. Fatigué de subir le préjudice de race, il revient à Paris où il entre à la Société des Auteurs Dramatiques et Compositeurs en 1894, avant de s’éteindre dans la capitale en 1901.
* Cora la bordelaise. Extrait du CD American Classics : Edmond Dédé (1827-1901) Hot Springs Festival. Dir. Richard Rosenberg
« Je suis venue au monde à l’hôtel de Papa
Sis à Bordeaux Gironde,
près le Grand Opéra.
Enfin je suis gasconne
Et j’ai l’esprit malin
D’ailleurs bonne personne,
Car j’ai fait mon chemin…... »
Anne Marbot, d’après Lester
Sullivan, archiviste de la Xavier University of Louisiana ici
dédicace :
"Dédiée à la fillette de mon meilleur ami, Mademoiselle Louisa Lamotte"
Louis Joseph Alexandre BARDET,
l'un des fils d'Alfred Bardet, Louis Bardet, né le 12 décembre 1886 illustra de ses dessins un livre sur Brienne le Château publié par son père en 1904.
Il fit une carrière de journaliste, chansonnier, par la suite, et fut l'un des animateurs de l'Action Française aux cotés de Léon Daudet et Maurice Barrès.*
Il composa les paroles de plusieurs chansons dont la Royale, qui est encore utilisée par les royalistes de nos jours.
https://www.youtube.com/watch?v=8iHB9GrugCI
Français, parlons avec courage.
Nés sur le sol qu'ont rassemblé nos Rois,
Nous recevons en héritage,
Le champ moins riche, et moins grand qu'autrefois...
C'est pourtant bien la même graine,
La même terre aussi pourtant,
Qui donc a pillé le domaine ?
Il faut savoir, il est grand temps.
Refrain
Si tu veux ta délivrance,
Pense clair et marche droit !
Les Rois ont fait la France !
Elle se défait sans Roi.
Si tu veux ta délivrance,
Pense clair et marche droit !
Français, nous voulons une France,
Mais à la France il faut un Roi !
Sans ordres, sans chef et sans guide,
Le peuple errant n'est qu'un pauvre troupeau,
Le nombre est un tyran stupide
Que les flatteurs poussent à son tombeau !
Le pouvoir n'est plus que la proie
Que se disputent les partis,
Pour sauver la France qu'ils broient
Autour du chef, soyons unis !
Tu n'étais pas un prolétaire
Libre artisan des métiers de jadis,
À l'atelier comme à la terre
Le Roi seul fort protégeait les petits !
Abandonné, l'ouvrier peine,
Esclave hier, forçat demain
Entre les dictateurs de haine
Et ceux du capital sans fin.
Protégeant nos foyers prospères
Le Roi tenait nos rivaux désunis,
La démocratie unitaire
A fait le bloc des Teutons ennemis !
Menant les peuples aux carnages
Elle armera le genre humain,
La paix n'est qu'aux mains du Roi sage,
Qui rompait le faisceau Germain !
Sur le pays sans Monarchie
L'ennemi fond quatre fois en cent ans ;
Nous avons sauvé la Patrie,
Mais qu'a-t-on fait du prix de notre sang ?
Le Roi, qui, si l'on croit l'Histoire
Ne le versa jamais en vain,
N'eût pas livré notre victoire
Au saboteur américain.
Transformant en ghetto immonde
Notre Paris qu'on ne reconnait plus,
On voit la vermine du monde
Prendre gaîment la place des poilus.
Vainqueurs, porterez-vous ces chaînes ?
Est-ce pour subir un tel sort
Que reviennent ceux qui reviennent,
Et que sont morts ceux qui sont morts ?
Enfin, des chimères fatales
Un grand penseur délivre nos cerveaux ;
Assez de sang et de scandales,
Hommes petits qui criez de grands mots !
Pour les rhéteurs, l'heure est mauvaise,
Notre force est d'avoir raison,
Et partout l'Action Française
Fait reculer la trahison !
Alfred Bardet, juge de Paix à Brienne le Château a publié une brochure en 1904 sur cette ville. Elle était illustrée par son fils âgé de 18 ans Louis Bardet 1886_1926 qu se fit connaître ultérieurement sous le pseudonyme de "Maxime Brienne", journaliste,écrivain, chansonnier, dirigeant de l'Action française.
Il épousa le 10 juin 1919 Anne Marie Jehanne GIBELIN.
Ses deux témoins de mariage étaient ses amis Léon Daudet et Charles Maurras
Recensement de population Troyes 1872
73 rue Urbain IV
Jules Léon Cottet ( 1835 Troyes, 1913 Los Angeles) , fils de Napoléon Ambroise Cottet, a rejoint en 1854 la communauté icarienne de Nauvoo aux Etats-Unis. Il a épousé Irma Jonvaux, fille d' Antoine Aimé Jonvaux, coutelier troyen cabétiste, en première noce, puis devenu veuf, une américaine Clara Wolpert.
Des descendants issus de ses deux mariages vivent aux Etats Unis. Ils conservent le souvenir de leurs ancêtres troyens.
Larry Eifert, dessinateur et peintre, est l'un d'entre eux.
Publication dans L’Avenir républicain, 18 février 1876
SOUVENIRS BONAPARTISTES
Une victime de Maupas.
Un jour de 1873 je passais avec M. Farjasse, ancien Préfet de l’Aube, actuellement doyen du Conseil général de Seine-et-Oise, près, du Canal, à l’embouchure de la rue de l’Hôtel-de-Ville, d’où l’on peut apercevoir à droite, l’Hôtel de la Préfecture ; à gauche, la Prison ; et en face l’Hôpital.
M. Farjasse m’arrêta à ce point et me dit en souriant : « Mon cher Cottet : Voici mon premier logement à Troyes ( la Préfecture) ; « Vous connaissez le second (la Prison) ; et voici mon troisième ( l’Hôpital) ; vous en souvenez-vous ? »
Par le temps qui court, il est bon de ne pas oublier ces souvenirs-là !
Après avoir quitté la Préfecture de l’Aube, M. Farjasse, qui aimait les rives de la Seine, s’était retiré à Courtenot, à deux kilomètres environ de Vaux, habitation de celui qui, quelques années plus tard, envoyait à Morny, la monstrueuse dépêche que l’Avenir reproduit tous les jours.
Singulière fatalité qui rapprochait de si près la victime du bourreau.
Vers la fin de la première huitaine de décembre 1851, M. Farjasse était allé à Paris, voir quelle tournure prenait le coup d’Etat. Voyant que le crime était consommé et qu’il n’y avait plus rien à faire qu’à se courber, notre ancien Préfet prit le chemin de fer pour regagner sa retraite de Courtenot.
Quel fut son étonnement, lorsqu’en descendant du train, à une heure du matin, à la gare de Troyes, M. Farjasse se trouva en face de deux bons gendarmes, dont l’un lui dit : vous êtes M. Farjasse – oui – suivez-nous.
Quelques minutes après, l’ancien préfet de l’Aube était écroué au greffe de la prison de Troyes et passait le reste de la nuit enveloppé dans son manteau, sur une paillasse, dans la cellule n°1, dont j’ai eu aussi l’honneur de faire la connaissance quelques jours plus tard.
On avait reconnu M. Farjasse à Paris et le télégraphe avait transmis l’ordre de l’arrêter à la descente du train.
Le nouveau prisonnier était déjà indisposé et fut mis le lendemain à l’infirmerie de la prison.
Quelque temps après, l’état du malade s’aggravait, le médecin de la prison (M. le docteur Pigeotte), déclara que son malade avait besoin d’un peu d’exercice et de grand air : il demanda qu’on le laissât promener dans le chemin de ronde, soit entre deux murs de quatre mètres d’élévation où se promenaient, jour et nuit, les factionnaires. La permission fut refusée. Par qui ? On n’a jamais pu le savoir.
L’état du malade s’aggravant toujours, on fut obligé de transporter l’ancien préfet de l’Aube à l’hôpital. Et voilà comment M. Farjasse fut logé successivement « à la Préfecture, à la prison, à l’Hôpital ! «
Permettez-moi une petite digression.
En janvier ou février 1852, quatre prisonniers furent conduits de la prison à la salle d’instruction du palais de justice, enchainés deux à deux. J’étais l’un des quatre. On nous déposa à la salle d’attente, gardés par deux gendarmes, toujours enchainés ; on nous y garda jusqu’à la nuit, puis on nous renvoya au lendemain et nous fîmes de nouveau le trajet de la veille, accouplés comme des forçats. Seulement, on nous distingua des voleurs en ce que, pendant que nous attendions dans la salle, on amenait à l’instruction deux couples de voleurs qui, il est vrai, étaient conduits par quatre gendarmes, mais n’étaient pas enchainés.
Quelques jours après l’incident que je viens de raconter et pour en revenir à M. Farjasse, notre compagnon de prison, l’ancien préfet n’était pas encore alité, mais avait à peine la force de se tenir sur ses jambes. On conduisit à son tour M. Farjasse à l’instruction, mais comme il était seul, on ne put l’accoupler, on l’enchaîna par les deux mains. Il faisait froid.
L’ancien préfet fit le trajet de la prison au palais de justice et retour, en levant les bras en l’air, pour montrer aux passants les chaînes dont il était garrotté !
Et ceci est de l’histoire !
Cottet