Extrait du "Maitron", ouvrage de référence pour tous les
personnages dignes d'intérêt pour leur engagement dans la vie sociale,
syndicale ou politique et qui nous a fourni ce texte détaillé de sa
biographie:
HAREMZA
Jean, Sigismond
Né le 1er mars 1925 à Sainte-Savine (Aube), mort le 20 mai 2008 à Blois
(Loir-et-Cher) ; professeur puis directeur d’école normale d’instituteurs ;
militant syndicaliste et associatif, membre du bureau national, secrétaire
de la commission pédagogique, secrétaire général adjoint du Syndicat
national des professeurs d’école normale ; militant de France-Pologne et de
France-Tchécoslovaquie.
Jean Haremza était l’un des trois fils d’une famille d’immigrés polonais qui
s’installèrent au milieu des années 1920 dans des baraquements, à
Sainte-Savine, commune industrielle limitrophe de Troyes. Son père,
Sigismond, né en 1897, avait combattu les Russes bolcheviks et avait trouvé
un emploi à la bonneterie Gillier où il travailla jusque dans les années
1960. Sa mère, Françoise Paszynka, née en 1901 en Ukraine, mourut à l’âge de
102 ans. Élevé dans une famille respectueuse de la tradition catholique mais
non pratiquante, Jean Haremza, dès l’âge de quatre ans, savait lire et
écrire le polonais que sa mère lui avait appris dans son livre de messe.
C’est donc à l’école maternelle puis à l’école élémentaire Jules Ferry de sa
commune, accueillant une population composée pour une bonne moitié
d’immigrés (Polonais, Italiens, Espagnols, Portugais, Belges…) qu’il apprit
le français. Ce bilinguisme lui servit beaucoup par la suite et d’abord, dès
son adolescence, pour aider les nombreux immigrés polonais à remplir leurs
papiers. Durant toute sa vie, il conserva des liens avec le pays d’origine
de sa famille, sa langue et sa culture. Durant son enfance, il fit à
plusieurs reprises le voyage en Pologne ; plus tard, il eut l’occasion d’y
retourner souvent notamment dans le cadre de ses activités à France-Pologne.
Jean Haremza estimait devoir beaucoup au directeur de son école, Camille
Guinot, qui l’encouragea à poursuivre sa scolarité après le certificat
d’études primaires. Au lieu d’aller travailler en 1937 à l’usine de
bonneterie où il avait été pré-embauché dans la comptabilité, il entra au
cours complémentaire et, sa famille ayant été naturalisée en mars 1939, il
devint élève-maître en 1941 au lycée de Troyes, les écoles normales
d’instituteurs ayant été supprimées par l’État français de Vichy. Mais, en
1943, il perdit sa qualité d’élève-maître car non Français « de souche » ;
il obtint néanmoins la première partie du baccalauréat. L’évêque de Troyes,
Mgr Le Couëdic, lui offrit alors un poste d’enseignant polyvalent dans une
institution privée ; cependant, grâce à une souscription du Syndicat
national des instituteurs clandestin, il put entrer, après la rentrée
scolaire, en classe terminale de philosophie, alors qu’il aurait voulu faire
mathématiques élémentaires, et obtenir le baccalauréat. À cette époque, il
rencontra Lucienne (dite Lilette) Malterre, fille d’institutrice, qu’il
épousa civilement à Sainte-Savine, le 28 décembre 1948, et avec laquelle il
eut une fille, Isabelle, et un fils, Sylvain.
En décembre 1944, Jean Haremza, ayant retrouvé sa qualité de boursier, entra
au collège Chaptal de Paris, pour préparer le concours d’entrée à l’École
normale supérieure de Saint-Cloud, qu’il intégra en 1947 dans la section
lettres. Avec Lilette, qui avait intégré l’ENS de Fontenay-aux-Roses une
année plus tôt, il effectua un stage d’un an dans la zone d’occupation
française en Allemagne, à Fribourg-en-Brisgau. A la fin de sa scolarité, ne
pouvant préparer l’agrégation de lettres modernes qui n’existait pas encore,
il commença à préparer une thèse sur Mickiewisz en France avec Charles
Dédeyan.
En 1951, à sa sortie de l’ENS, Jean Haremza fut nommé professeur de lettres
au lycée d’Hénin-Liétard (Nord) puis, peu de temps après, à l’École normale
d’instituteurs de Douai, où avait exercé son épouse, ville où ils allaient
rester en poste durant 20 ans. Ces deux décennies de professorat furent
interrompues l’espace d’une année, en 1955, quand Jean retourna à l’ENS pour
préparer le concours d’inspecteur primaire et/ou de directeur d’EN.
Dès le début de son activité professionnelle, Jean Haremza milita au
Syndicat national des professeurs d’écoles normales. En 1952, il devint
secrétaire de la section de l’EN de Douai puis secrétaire adjoint de la
section départementale du Nord et fut élu au bureau national en 1958, au
congrès de Clermont-Ferrand, parmi les trois militants (sur 15) qui étaient
proches de l’orientation « Bouches-du-Rhône » à la FEN. En 1964, il devint
membre de la section permanente du BN, trésorier adjoint, en tant que tête
de la liste « Pour la reconstitution de l’Unité syndicale ». En 1967, il fut
élu secrétaire adjoint de la commission pédagogique ; en novembre 1968, il
fut réélu au BN comme tête de la liste « Unité et Action » et en avril 1969,
lors de la réorganisation du BN, suite à la mise en minorité du rapport
d’activité de la direction, il devint secrétaire général adjoint, secrétaire
de la commission pédagogique, au côté de Jean Rojat (autonome), élu
secrétaire général, succédant à Henri Rogniaux. Il siégeait également durant
cette période comme membre suppléant à la commission administrative fédérale
au titre de la section départementale du Nord et était commissaire paritaire
national des certifiés, élu en 1965. En mai-juin 1970, Jean Haremza,
partisan de l’union syndicale, était second de la liste « Union pour un
programme commun » représentant la majorité du BN, conduite par Rojat, liste
qui fut majoritaire (53,6 %), entraînant un changement décisif
d’orientation, à l’époque où d’autres syndicats nationaux de la FEN venaient
de connaître la même évolution : après le SNES en 1967, le SNEP, le SNESup,
le SNCS. À la rentrée 1970, Jean Haremza fut cofondateur, membre de la SARL
de la revue Unité et Action. Après le congrès de Troyes de 1971, il n’était
plus que membre du BN du SNPEN mais se félicitait dans la revue U&A des
progrès de la nouvelle direction unitaire, Jean Tanguy (U&A) étant devenu
secrétaire général. À la rentrée 1971, il n’apparaissait plus dans
l’organigramme du SNPEN ; il avait en effet été nommé directeur de l’EN de
Blois sur l’insistance de Jean Deygout, directeur des personnels au
ministère, qu’il avait connu à l’ENS de Saint-Cloud (promotion 1949).
Directeur des deux EN de garçons et de filles du Loir-et-Cher jusqu’à sa
retraite prise en 1990, il milita alors au Syndicat national des directeurs
d’EN dont il devint membre du bureau.
Selon Jean Haremza, le combat du SNPEN permit des avancées significatives
après 1968 dans le domaine de l’élévation et l’amélioration de la formation
des instituteurs et institutrices et de celle de leurs formateurs et
formatrices. Ainsi une audience du SNPEN (Rojat et Haremza) d’Edgar Faure en
pleine nuit, le 6 mai 1969, déboucha sur la décision de ne plus préparer le
baccalauréat dans les EN et d’en faire de véritables centres de formation
des maîtres, préparant les futurs instituteurs en deux années après le
baccalauréat obtenu en lycée. Cette avancée dans le domaine de la formation
initiale fut complétée par la mise en place de la formation continue des
instituteurs titulaires et celle accélérée des instituteurs remplaçants.
Jean Haremza estimait cependant, en 1971, que les deux années de formation
après le baccalauréat étaient insuffisantes et qu’il fallait y ajouter dans
un premier temps une troisième année, permettant un accord avec le SNI, dont
la revendication avait évolué. Mais pour l’élévation du niveau scientifique
et pédagogique, pour la participation directe de l’enseignement supérieur à
la formation des instituteurs, pour la réduction de la polyvalence, le SNPEN
avait trouvé des alliés dans les trois syndicats (SNES, SNEP, SNESup) avec
lesquels il avait organisé en février 1971 des Assises nationales sur la
formation des maîtres, préparées par des réunions décentralisées, à partir
d’une analyse critique du projet d’instituts de formation de maîtres du
ministre Olivier Guichard et d’objectifs communs, publiés dans le bulletin
de janvier du SNPEN, Former des maîtres. Cette alliance allait se poursuivre
et déboucher en 1973 sur une plate-forme commune plus précise et la
publication d’une brochure Former des maîtres pour notre temps.
Le SNPEN obtint également d’Olivier Guichard en janvier 1970 une
modification essentielle de la nature du service des professeurs d’EN,
tenant compte du caractère particulier de leur travail : 6 heures
forfaitaires décomptées dans leur service hebdomadaire pour leurs
interventions sur le terrain. Le ministre implanta aussi à la demande
pressante du SNPEN une EN dans chaque nouveau département de la région
parisienne.
Devenu directeur d’EN, Jean Haremza continua de s’impliquer activement dans
l’amélioration de la formation académique et professionnelle des
instituteurs et de leurs formateurs, ce qui constitua le combat de sa vie.
Il multiplia les expériences sur le terrain. Il chercha à développer la
rencontre d’étudiants étrangers, en leur rendant visite (notamment au Maroc
avec l’Inspecteur général Marcel Rouchette, auteur d’un plan de rénovation
de l’enseignement du français) et en les accueillant dans son école
(Marocains, Japonais, Singapouriens, Suédois, Américains de Dartmouth
college, Luxembourgeois…). Dans le même esprit, il ouvrit en 1977 son école
à la création du Centre départemental universitaire pour le troisième âge du
Loir-et-Cher, devenu Université du temps libre. Dans les années 1980, il
favorisa la création de la Classe patrimoine Blois-Chambord, en lien avec la
Caisse des Monuments historiques, pour construire une maquette modulaire du
château destinée aux malvoyants. Il estimait à la fin de sa carrière que le
bilan des écoles normales était largement positif et que Lionel Jospin avait
cassé le mouvement en les supprimant et en créant les Instituts
universitaires de formation des maîtres. Quand le SNUDEN se transforma en
Syndicat national des directeurs des Instituts de formation des maîtres, il
en demeura membre du BN, puis il siégea à celui du Syndicat national des
inspecteurs pédagogiques régionaux et des inspecteurs d’académie, créé en
1993 et s’occupa des retraités.
Parallèlement, Jean Haremza, ayant fait partie d’un mouvement politique de
la Nouvelle gauche luttant contre la guerre d’Algérie, avait adhéré comme
son épouse, au Parti communiste français en 1957. Il participa à Douai à la
rédaction d’un journal Le Point avec d’autres enseignants communistes. Il
milita à l’association France-Pologne durant une quarantaine d’années à
partir du début des années 1960. Il y était entré via l’Association
Oder-Neisse, auprès de Georges Castellan, et adhéra à France-République
démocratique allemande dont ce dernier fut président. En juillet 1962, il
accompagna une cinquantaine de mineurs silicosés invités dans une maison
syndicale de Szczawnica près de Zakopane. À la demande de Luce Langevin, il
représenta l’Université française à l’inauguration du lycée
Marie-Curie-Slodowska à Gdansk à la Toussaint 1967. Dans cette association
créée par Joliot-Curie à la Libération, où se retrouvaient des personnalités
politiques très diverses, allant de Maurice Schumann et Gaston Palewski aux
dirigeants communistes, en passant par Léo Hamon, Michel Crépeau ou Edgar
Faure, il participa à tous les congrès nationaux et rédigea souvent les
motions finales devant tenir compte de toutes les sensibilités. Président
délégué adjoint au côté de Maurice Bouvier-Adam, il organisa le congrès en
1983 au château de Blois. Dans les années 1960, Jean Haremza milita
également à France-Tchécoslovaquie, association à laquelle son épouse avait
été la première à adhérer. Il accompagna essentiellement des voyages
touristiques. Militant par ailleurs dans le Mouvement de la Paix, il
participa en 1977 à Varsovie au Congrès international des constructeurs de
la Paix.
Sa retraite prise, Jean Haremza ayant quitté le PCF dans les années 1980,
s’impliquait dans diverses associations, était membre fondateur de
l’Association pour le patrimoine culturel et sa pédagogie, militait au
Centre intercommunal d’action sociale, appartenait au comité de rédaction de
A tou tâge et au Comité des sages de Blois pour réfléchir au projet de «
Blois-2020 ». Adhérent de l’Association des élèves et anciens élèves des ENS
Fontenay-aux-roses et Saint-Cloud puis Lyon, il en fut un membre très actif,
élu du bureau, vice-président puis président d’honneur, et il animait encore
avec son épouse la Régionale Centre quand survint brutalement son décès.
Outre des récits autobiographiques, le bulletin de l’association publia de
nombreux témoignages d’amitié et de sympathie d’anciens élèves et collègues
en hommage à cette forte personnalité, humaniste et pédagogue engagé.
SOURCES : Arch. IRHSES. — Récits autobiographiques de l’intéressé et
témoignages in Bulletin de l’Association des élèves et anciens élèves des
ENS de Lyon, Fontenay-aux-Roses et Saint-Cloud, 2008/2. — Sites Internet. —
Notes de Jacques Girault et Robert Prosperini. — Renseignements fournis par
son épouse.
Alain Dalançon