vendredi 11 février 2022

Inauguration de l'orgue de l'église Saint-Pierre Bar-sur-Aube 1845

 


Inauguration de l’orgue de l’église Saint-Pierre de Bar-sur-Aube

Construit par M. Lété, facteur d’orgue du roi, à Mirecourt

Décembre 1845

 


Tout ce qui est objet d’art excite aujourd’hui un intérêt réel et général. Cette vérité est incontestable et fait honneur à notre époque.

On ne doit pas s’étonner si l’inauguration du grand orgue de l’église Saint-Pierre de Bar-sur-Aube a été pour la paroisse une véritable fête qui avait puissamment éveillé l’attention publique, et qui a mis toute la ville en mouvement. Ce n’était plus en effet un instrument secondaire, comme ceux qui ont été inaugurés ces dernières années dans plusieurs paroisses du diocèse, qui allait être livré à l’appréciation des auditeurs ; mais il s’agissait d’un jeu d’orgues établi sur de grandes proportions, très fortement compensé, et par conséquent ayant une importance réelle, en un mot, un monument qui est aujourd’hui un des plus beaux ornements de l’église Saint-Pierre.

L’établissement du jeu d’orgues qu’on allait entendre pour la première fois était en quelque sorte l’œuvre de chacun des habitants de la paroisse, qui s’étaient empressés d’inscrire leurs noms sur la liste de souscription ouverte pour faire l’acquisition de cette œuvre.

Ce fut donc au moyen des dons spontanés, de la générosité de ses paroissiens, que le vénérable doyen de Saint-Pierre ; secondé par le zèle actif des membres de la paroisse, est parvenu à faire établir dans son église un jeu d’orgues aussi remarquable par sa puissance que par sa beauté…

Tout se réunissait pour exciter au plus haut degré l’empressement de la population et l’importance de l’instrument qui allait être inauguré.

Aussi la dernière volée de toutes les cloches de Saint-Pierre avait à peine appelé les fidèles au service divin qu’une foule immense se pressait dans la vaste enceinte de la vieille basilique.

 

Une commission avait été chargée pour faire l’expertise et la réception de l’instrument. Elle comportait neuf experts : M. Fauconnier, architecte de la ville pour l’examen du mécanisme, et le travail matériel ; MM. Degrond et Laperrière, pour la vérification des métaux ; et pour la partie musicale, MM. Uffoltz, organiste de la cathédrale ; A. Quern, organiste de la Madeleine, et plusieurs autres musiciens amateurs de la localité. Aussi, ayant été appelé à l’honneur de présider cette commission, et ayant recueilli l’avis des experts, chacun dans sa spécialité, je ne puis rien faire de mieux que résumer en peu de mots les conclusions émises par les membres du jury.

Le jeu d’orgues ne laissant rien à désirer sous le rapport de l’exécution matérielle, la commission avait encore à se prononcer sur ses qualités harmoniques.

M. Uffoltz se mis donc au clavier ; il toucha l’orgue avec cette habileté et cette supériorité de talent que tout le monde lui connait ; et les experts, après avoir entendu les différents registres dans toutes les variétés et combinaisons, déclarèrent d’un commun avis   que l’instrument a en général la plus belle qualité de sons, et qu’il réunit une puissance remarquable à une immense variétés d’effets. Mais ils ont surtout remarqué la douceur et la plénitude des jeux de fond, la pureté des flûtes petites et grandes, le timbre gracieux des hautbois et les vibrations originales du registre appelé la voix humaine.

La commission a donc conclu à l’unanimité que l’orgue de l’église Saint-Pierre de Bar-sur-Aube faisait le plus grand honneur à l’habileté et au talent consciencieux de M. Lété, et que par conséquent il devait être reçu avec éloges par le conseil de la fabrique.

 

 

 

L’abbé THIESSON

Chanoine honoraire de Troyes

Publié dans le journal « L’Aube »  le 25 décembre 1845

 


Abbé  Antoine-Narcisse Thiesson
1806-1872

 Orgue 


Merci pour la correction, effectivement il s'agit de l'abbé Antoine Narcisse Thiesson !

dimanche 6 février 2022

Le temple de Gustave-Yves Lejeune


 

 

Le pauvre Lejeune qui fait les frais de l’avant-propos de l’article du journal de l’Aube publié le 9 otobre 1836,  annonçant l’inauguration d’une salle de danse, le Tivoli d’hiver, à l’angle des rues du Bois et du Coq  (actuellement rues d Général de Gaulle et du peintre Paillot de Montabert, ) s’appelle Gustave-Yve Lejeune, âgé de 26 ans, né à Saint-Denis les Monts, département de l’Eure.

Ancien séminariste, il se revendique membre de l’Eglise catholique française, des prêtres dissidents de l’Eglise française, Châtel et Auzou.

Il a été condamné à la prison par le Tribunal correctionnel de Troyes après une audience le 9 décembre 1835 relatée par le même journal le lendemain..

 

« « Lejeune a été arrêté dans le mois de septembre dernier à Troyes, après y avoir ouvert une église française.

Lejeune est d’une taille médiocre ; il est vêtu d’une redingote noire ; sa figure est colorée d’une vive rougeur ; ses traits non rien de distingué. Ses regards sont incertains, et il y a dans tout son extérieur quelque chose de vulgaire…

Le Président du tribunal lit une lettre du procureur du Roi d’Evreux : « Lejeune admis au séminaire d’Evreux en 1830, a montré très peu d’aptitude, ses supérieurs pensèrent qu’il avait peu de cervelle, un jugement faux, l’esprit de travers, et qu’il ne ferait jamais qu’un mauvais prêtre. « 

Après audition des témoins et des plaignants, la plaidoirie de Me Cénégal est suivie de nombreux applaudissements.

Le tribunal acquitte Lejeune sur les plaintes relatives à l’abus de confiance au préjudice d’Hérouars et d’escroquerie envers Manotte, Evrard, Rigny, Braquehan et Yesman ; le déclare coupable d’escroquerie envers la veuve Durand, Riché, Delforges et la demoiselle Moulin, et le condamne en treize mois d’emprisonnement et 50 fr. d’amende.

L’auditoire s’écrie : Il ne l’a pas mérité… »

 Le rédacteur désapprouve cette manifestation mais concède que les hommes sensés qui assistaient à l’audience s’accordaient à considérer Lejeune, non comme un voleur mais comme un misérable et ont été affligés de la sévérité d’une condamnation qui ne leur semblait pas suffisamment motivée.

 

Lejeune fit appel devant la Cour royale de Paris, audience du 8 janvier 1836, présidée par M. de Glos

 

On apprend que le père de Lejeune, menuisier, s’imposa ‘énormes sacrifices pour l’éducation de son fils…

La Cour rend l’arrêt suivant :

« « Considérant que Gustave-Yves Lejeune, après avoir été attaché à la prétendue église du sieur Auzou, dont il avait reçu un simulacre e prêtrise, était en septembre 1835, dénué de toute espèce de ressources ;

« Qu’en effet, lors de son départ de Paris, où il avait contracté des dettes assez nombreuses, il n’avait en sa possession qu’une somme de 17 fr., qui a été dépensée en frais de voyage ; qu’il ne connaissait personne à Troyes qui pût venir à son secours, et qu’il ne se proposait de se procurer des moyens d’existence par aucun travail honnête ;

« Considérant que, dans ce passeport délivré à Paris, Lejeune a pris la qualité d’ecclésiastique ; qu’à Troyes il s’est présenté à diverses personnes, tour à tour comme prêtre de l’église romaine, ou comme prêtre de la prétendue communion du sieur Châtel , se disant fondateur de la prétendue religion catholique française, et qu’en outre il s’est dit autorisé et reconnu par l’évêque de Troyes et par le gouvernement ;…

Lejeune a fait confectionner des travaux, et s’est fait faire des fournitures qu’il savait être dans l’impossibilité de payer ;

« Considérant que Lejeune en ouvrant une prétendue église catholique française sous le patronage du sieur Châtel, n’a eu  en vue que de spéculer sur la crédulité, pour persuader un pouvoir ou un crédit imaginaire, des manœuvres frauduleuses qui ont eu pour but et pour résultat d’escroquer en partie de la fortune de la veuve Durand, de la demoiselle Moulin, et des sieurs Richer et Desforges,

« Condamne Lejeune à treize mois de prison. »

 

Publié dans : « Le Droit », 9 janvier 1836

 

NB : Pour avoir des renseignements sur l’église catholique française du sieur Châtel, voir la note de Michel Cordillot sur le site du Maitron :

CHÂTEL François [CHÂTEL Ferdinand, François, dit l'abbé Châtel]
Né le 9 janvier 1795 à Gannat (Allier), mort en 1857 ; fondateur et primat de l'Église français
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